De lourdes conséquences pour l’économie et l’emploi
Le marché européen est vital pour nos entreprises
Le marché européen est vital pour nos entreprises. En 2024, la Suisse y a en effet réalisé 51% de ses exportations de marchandises, soit pratiquement trois fois plus que vers les USA (18%). Faire tomber les accords bilatéraux existants signifierait un énorme saut dans le vide pour nos entreprises et les centaines de milliers d’emplois qu’elles représentent. C’est pourtant ce qu’il se passerait si la Suisse résiliait la libre circulation des personnes avec l’UE, comme le demande l’initiative UDC. Car une résiliation de la libre circulation des personnes entraînerait la résiliation automatique des six autres accords bilatéraux I dans les six mois, conformément à la clause guillotine. Or ce sont précisément ces accords qui garantissent à la Suisse son accès privilégié au marché européen.
Un « simple » accord de libre-échange ne suffit pas
Les initiants ne proposent aucune alternative à la voie bilatérale. Moderniser l’accord de libre-échange de 1972 avec l’UE ne nous apportera pas – et de très loin – les mêmes avantages. La Suisse a négocié les accords bilatéraux dans les années ‘90 précisément parce qu'un ALE seul ne suffisait pas à répondre aux besoins de l'économie et de la population suisses.
• L’ALE de 1972 ne concerne que les produits industriels et les produits agricoles transformés, dont il supprime les droits de douane. Mais il ne prévoit par exemple pas l’équivalence des normes suisses et européennes, qui évite une double certification coûteuse pour les produits suisses.
• Un ALE ne garantirait pas non plus le libre accès des avions suisses et européens à tout l’espace aérien du continent, ni l’exportation des fromages suisses ou la participation aux programmes de recherche européens.
• Un ALE seul ferait perdre à la Suisse l’accès sans entrave au marché européen qu’assurent les accords bilatéraux.
Les autres marchés ne compenseront pas celui de l’UE
Espérer que le commerce avec d’autres pays puisse compenser la perte de notre accès sans entrave au marché européen est illusoire. La Grande-Bretagne en a d’ailleurs fait l’expérience : malgré de nouveaux accords de libre-échange avec le reste du monde, le pays n’a pas pu compenser, même partiellement, la perte d’accès au marché intérieur de l’UE.
La Suisse dispose de 34 accords de libre-échange (ALE), pour commercer plus facilement avec des États du monde entier. Par exemple avec la Chine, le Japon, l’Inde, la Malaisie. Croire qu'en concluant d’autres ALE – avec les USA par exemple – on pourrait compenser la disparition des Bilatérales, est illusoire. L'UE est de très loin le principal partenaire commercial de la Suisse, et le restera à l'avenir. Et la politique actuelle de Washington montre tout sauf une volonté de renforcer la collaboration à armes égales.
Le mythe de la Suisse qui se serait appauvrie
Depuis l’introduction des Bilatérales il y a un quart de siècle, le niveau de vie a nettement augmenté en Suisse. S’il est évident qu’une partie de cette croissance est également due à la hausse de la population, force est de constater que le PIB réel par habitant corrigé de l’inflation a augmenté de 25% entre 1999 et 2022. Il aurait augmenté encore plus si l’on travaillait autant qu’il y a 20 ans. Une personne active en Suisse travaille en effet en moyenne 137 heures de moins par année aujourd’hui. Ce qui n’a pas empêché une évolution positive des salaires : le salaire réel moyen en Suisse a augmenté de 0,5% chaque année en moyenne entre 2002 et 2022. À titre de comparaison, il n’avait augmenté que de 0,2% en moyenne par année au cours des 10 ans précédant l’entrée en vigueur des accords bilatéraux I.
Un énorme saut dans l’inconnu en ces temps déjà troublés
La Suisse a besoin de relations stables avec ses voisins
Depuis plus de 25 ans, la voie bilatérale entre la Suisse et l’UE est gage de stabilité et de sécurité. C’est une voie taillée sur mesure pour la Suisse, qui nous permet de profiter des avantages de l’UE dans les domaines où nous le souhaitons, sans devoir être membre. En ces temps troublés, la Suisse a plus que jamais besoin de relations stables avec ses voisins. Les Européens partagent nos valeurs et ont démontré qu’ils étaient des partenaires fiables. Ce n’est pas le moment de rajouter de l’incertitude à l’incertitude en jetant par-dessus bord les accords bilatéraux existants.
La voie solitaire n’est pas une option
La paix en Europe, le multilatéralisme, le commerce fondé sur des règles : autant de choses que l’on tenait pour acquises et qui sont aujourd’hui malmenées par la loi du plus fort. Au cœur du continent européen, la Suisse se retrouve isolée et confrontée à d’énormes défis en matière de sécurité et économique. Ce n’est donc pas le moment de couper les ponts avec nos voisins. La voie solitaire n’est pas une option pour un pays aussi petit que la Suisse.
Absurde, extrême et arbitraire
Fixer un nombre maximum d’habitants dans la Constitution est une option qu’aucune pays au monde n’a envisagée. Et pour cause. Quel que soit le chiffre, il est forcément arbitraire. L'initiative demande par exemple que le Conseil fédéral prenne des mesures en matière de regroupement familial à partir de 9,5 millions d’habitants, ce qui remettrait en question le droit au respect de la vie privée et familiale, inscrit à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH), que la Suisse a ratifiée en 1974. La Suisse ne doit pas remettre en cause cet acquis fondamental, qui permet également aux ressortissants suisses de faire venir leur famille depuis l'étranger. La réintroduction du statut inhumain de saisonnier, qui prévalait en Suisse de 1930 jusqu'à l'introduction de la libre circulation des personnes en 2002, n'est pas une option. Une telle violation de la CEDH porterait gravement atteinte à la réputation de la Suisse à l'étranger.
L’initiative ne tient pas compte de la réalité
La Suisse se retrouverait paralysée sans personnel étranger
La libre circulation des personnes avec l’UE (que l’initiative demande de résilier !) permet à la Suisse de recruter les travailleurs et spécialistes dont elle a besoin. Dans les hôpitaux par exemple, un tiers du personnel est étranger. On parle même d’un soignant sur deux dans certaines régions. Les besoins vont encore augmenter, alors que dans le même temps, les jeunes ne sont pas assez nombreux pour assurer la relève des baby-boomers qui partent à la retraite. Ces 10 prochaines années, le nombre de retraités augmentera de 26%, contre 2% seulement pour les actifs. En raison du vieillissement de la population, on estime qu’il manquera 460'000 équivalents plein temps sur le marché du travail suisse dans 10 ans, toutes branches confondues, si l’on veut garder le même niveau de vie qu’aujourd’hui.
Des forces de travail qui viennent en fonction des besoins de l’économie
Les Européens viennent en Suisse pour travailler. En 2023 par exemple, 89,8% des Allemands vivant en Suisse avaient un emploi, de même que 86,8% des Français ou 85,2% des Portugais. La libre circulation des personnes ne signifie pas « ouvrir les vannes à tout va ». Les Européens ne peuvent s’établir en Suisse que s’ils peuvent justifier d’un contrat de travail, d’une activité indépendante viable ou de moyens financiers suffisants. Leur nombre dépend fortement de la situation économique. Lorsque la situation se dégrade, le nombre d’Européens recule, comme par exemple en 2024.
Les travailleurs européens financent aussi notre AVS
Les travailleurs européens contribuent à hauteur de 27% au financement du 1er pilier (AVS, AI et APG), alors qu’ils ne touchent que 15% des prestations versées. Ils payent donc bien plus qu’ils ne touchent ! Leur apport est précieux car les dépenses de l’AVS augmenteront fortement ces prochaines années, du fait de l’augmentation du nombre de retraités, de l’introduction d’une 13ème rente et de la possible mise sur pied d’égalité des couples mariés et non mariés.
L’initiative ne fera pas disparaître les besoins en personnel
En Grande-Bretagne, le Brexit a eu pour conséquence que les travailleurs européens ont été remplacés par une arrivée massive de personnes provenant avant tout d’Inde, du Nigéria, du Pakistan et de Chine. En Suisse, l’initiative UDC ne dit pas comment l’immigration devrait être gérée une fois la libre circulation des personnes résiliée. On peut supposer que cela signifierait le retour des contingents, que la Suisse a connus dans le passé, mais qui n’ont pas empêché des pics d’immigration – jusqu’à 200'000 personnes par an environ au début des années ‘60. Si les contingents devaient au contraire être fixés en-dessous des besoins, nos entreprises et services publics se retrouveront en concurrence pour obtenir les forces de travail dont ils ont besoin. À ce jeu-là , les PME, la restauration ou les exploitants agricoles disposant de peu de moyens risquent bien de se retrouver perdants.
Un véritable autogoal en matière de sécurité et d’asile
La Suisse se retrouvera privée d’importants moyens de lutte contre la criminalité
Résilier la libre circulation des personnes mettrait aussi fin à la participation de la Suisse aux accords de Schengen et de Dublin. Nos forces de police seront alors exclues de la collaboration européenne en matière de lutte contre la criminalité, l’immigration illégale et le terrorisme. Schengen permet notamment aux polices suisses d’accéder à la base de données européenne des personnes et objets recherchés, qui comptabilise environ 300'000 demandes chaque jour et 20'000 résultats positifs par an. Les polices suisses ont également accès, grâce à Schengen, au Système d’information sur les visas et à Eurodac. Sans accès à ces bases de données irremplaçables, nos polices et services de renseignement se retrouveraient privés d’importants moyens de lutte contre la criminalité transfrontalière, l’immigration illégale et le terrorisme.
L’initiative fera exploser le nombre de requérants d’asile en Suisse
L'initiative provoquerait un énorme chaos en matière d'asile car elle signifierait la fin de la participation de la Suisse aux accords Schengen-Dublin. Tous les requérants déboutés dans les États Dublin pourraient dorénavant venir en Suisse y déposer une nouvelle demande d'asile, ce qui provoquera un afflux massif – un comble alors que l’initiative prétend lutter contre l’immigration ! De plus, la Suisse ne pourrait plus renvoyer les migrants illégaux vers les pays de premier accueil de l'espace Dublin. Depuis 2009, la Suisse a remis trois fois plus de personnes à un autre État Dublin qu’elle n’a dû en reprendre (40’073 contre 11’759).
Des solutions existent
Répondre aux préoccupations légitimes de la population
L’initiative ne permettra pas de créer un seul logement supplémentaire ni de développer l’infrastructure de transports. De fait, elle ne résout aucun problème, mais en crée de nouveaux. Pourtant, des solutions existent pour répondre aux préoccupations légitimes de la population.
Activer la clause de sauvegarde en cas de graves problèmes
La Suisse a obtenu une victoire majeure dans le cadre des négociations avec l’UE sur les Bilatérales III : notre pays pourra décider - de manière autonome et selon des critères qu’elle aura elle-même établis - de limiter temporairement la libre circulation des personnes « en cas de graves problèmes économiques ou sociaux » (clause de sauvegarde). Sans mettre en danger les accords bilatéraux. En contrepartie, l’UE pourrait prendre des mesures de compensation, mais elles devront être proportionnées.
Agir en distinguant asile et migration liée au marché du travail
Limiter le nombre de travailleurs européens – en renonçant à la libre circulation - n’aura aucune influence sur les demandes d’asile ! L’initiative mélange délibérément les deux sujets. Les réfugiés reconnus, les personnes provisoirement admises et les statuts de protection S représentent 2% de la population totale de la Suisse. Les autorités doivent garantir une meilleure exécution de la politique d’asile et lutter plus efficacement contre les abus. Les cantons et les communes, qui sont en première ligne, font face à des défis réels. Des pays comme le Danemark montrent que des mesures ciblées en matière de politique d'asile et de lutte contre l'immigration illégale portent leurs fruits.
Mieux intégrer la main d’œuvre locale dans le marché du travail
Les employeurs privés et publics doivent encore davantage recourir à la main d’oeuvre locale. Par exemple en flexibilisant autant que possible les horaires de travail et en proposant des formations continues. Réduire les besoins en main d’œuvre passe aussi par une amélioration de l’efficacité du travail, par exemple grâce à la digitalisation ou l’intelligence artificielle. Les milieux politiques doivent également agir. La loi sur le travail est rigide et n’est plus adaptée aux préférences actuelles des travailleurs. De même, il doit être plus intéressant – du point de vue fiscal – que les deux parents travaillent à des taux d’activité plus élevés. Les cantons et les communes, qui sont compétents en la matière, doivent également mettre en place des structures d’accueil des enfants afin de permettre aux parents de mieux concilier vie professionnelle et vie familiale.
Adapter les infrastructures et favoriser la construction de logements
La pénurie de logements n’est pas due uniquement à l’augmentation de la population ou à l’immigration. Le nombre de ménages augmente deux fois plus vite que le nombre d’habitants en raison de l’évolution de nos modes de vie : divorces, familles recomposées, souhait de vivre seul, maintien des personnes âgées à domicile. Toujours moins de personnes vivent dans un même logement. Ainsi, près de 70% des ménages comptent seulement 1 ou 2 personnes. Les besoins en logement augmentent donc même sans hausse du nombre d’habitants. Pour mieux répondre à la demande, il faut lever l’obstructionnisme dans la construction de logements et d’infrastructures et simplifier les procédures d’autorisation (allongement de la durée de 67% en moyenne suisse depuis 2010).